Le CBD en Inde : un marché potentiel de près d’un milliard d’adultes
La perception du cannabis par les Indiens évolue de manière spectaculaire à mesure que des chercheurs, académiciens et, probablement, des cabinets de lobbying, multiplient les sondages, les études et les campagnes de sensibilisation pour tordre le cou aux idées reçues sur la plante.
Mais celui qui fait le plus grand bien au cannabis en Inde, c’est… le ministère des Ayush, chargé du développement de l’éducation, de la recherche et de la promotion de la médecine traditionnelle indienne. Le nom Ayush est d’ailleurs un mot valise qui regroupe les systèmes de santé alternatifs du ressort du ministère, à savoir l’ayurveda, le yoga, la naturopathie, Siddha, Sowa Rigpa et l’homéopathie.
Comme en Chine, le chanvre a fait partie de la pharmacopée indienne dans des temps immémoriaux, avant de sombrer dans l’illégalité du fait de son utilisation récréative et du trafic qui en a découlé. Aujourd’hui, la vague des cannabinoïdes non psychotropes se propage en Inde, et le CBD en représente la figure de proue.
Il faut dire que le pays de Gandhi a de quoi séduire les investisseurs sur la filière, puisqu’il représente un marché de près d’un milliard d’adultes, et donc autant de consommateurs potentiels d’huiles, de feuilles et d’aliments au cannabidiol.
Le CBD, du fin fond de l’Uttarakhand à la légalisation nationale
Sur les réseaux sociaux, des boutiques en ligne fleurissent pour proposer, plus ou moins officieusement, des dérivés de cannabis comme le CBD, le CBG et le CBN, qui n’altèrent pas les fonctions cognitives et qui soulagent la douleur, le stress et l’anxiété. Contrairement à ce que pense encore la majorité des Indiens, et peut-être même certains patrons de boutiques eux-mêmes, ce commerce n’a rien d’illégal. Il est explicitement autorisé par le ministère Ayush.
Depuis deux ans, plus de 50 startups spécialisées dans le cannabis médical et le chanvre grand public non psychotrope ont vu le jour selon l’Indian Hemp Association (PICHA), qui représente les entreprises de cannabis légal dans le pays.
En 2018, l'Uttarakhand est devenu le premier État indien à légaliser la culture du chanvre de type Cannabis Indica et Cannabis L. Sativa, rapidement suivi par l'Uttar Pradesh. Trois ans plus tard, l'Autorité Indienne de Sécurité Alimentaire (FSSAI) a précisé que la vente de graines de chanvre et de produits dérivés comme le CBD était réglementée en vertu des Règlements de Sécurité et Normes Alimentaires de 2011.
La culture du cannabis est également légale dans certains districts du Rajasthan, et en avril 2023, le Premier Ministre de l'Himachal Pradesh, Sukhvinder Singh, a annoncé que le gouvernement de l'État prévoit de légaliser la production de cannabis pour stimuler l'économie et le commerce.
Selon le quotidien national The Print, les Indiens sont de plus en plus ouverts à l'idée d'utiliser l'huile de CBD pour soulager la douleur, l'anxiété et les troubles du sommeil, notamment l’insomnie.
Mais il y a un fait divers en particulier qui a mis le CBD sur orbite dans le pays. On vous le raconte.
Le drame qui a profité à la filière du CBD en Inde
Sushant Singh Rajput, acteur populaire de Bollywood, s'est suicidé en juin 2020. Sa mort a suscité une immense émotion et a déclenché plusieurs enquêtes pour déterminer les circonstances exactes du décès.
Rhea Chakraborty, actrice, présentatrice et petite amie de l’acteur à l'époque, a été accusée par la famille de Rajput de l'avoir exploité financièrement et d'être impliquée dans sa mort.
Les autorités indiennes, notamment le Bureau de Contrôle des Narcotiques (NCB), ont commencé à enquêter sur elle et d'autres dans l'industrie du cinéma pour des allégations de possession et de consommation de drogues. Il a notamment été rapporté que l’actrice consommait régulièrement du CBD avec son compagnon, ce qui a garanti au produit une médiatisation soudaine et massive, mais pas dans le bon sens. Il a fallu plusieurs débats, notamment télévisés, pour expliquer que le CBD n’était ni psychotrope, ni addictif, et encore moins susceptible de causer la mort.
« Les deux mois qui ont suivi ont enregistré les ventes les plus élevées pour l'industrie, car beaucoup de gens ont commencé à parler du CBD », explique Delzaad Deolaliwala, cofondateur et directeur juridique de Bombay Hemp Company (BOHECO). Des agents des stupéfiants ont rencontré les représentants de BOHECO pour se renseigner sur le CBD et les cannabinoïdes non psychotropes. « Avant cela, aucun ministre, fonctionnaire ou autorité ne voulait entendre parler du cannabis parce qu'ils pensaient que tout dans la plante était mauvais et illégal », ajoute-t-il.
