Cannabis médical : quel bilan après trois ans de test ?
En 2021, la France a lancé une expérimentation du cannabis médical pour traiter cinq pathologies, selon les indications de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) : neuropathie, sclérose en plaques, épilepsie, cancers et spasticités.
Pour cette phase test, plus de 3 000 patients dits en « impasse thérapeutique », c’est-à-dire pour qui les traitements conventionnels sont inefficaces ou causent des effets indésirables, ont été sélectionnés, sur une base volontaire.
Après trois ans, l'ANSM a présenté son rapport au gouvernement, et les résultats sont très prometteurs. Par exemple, avant de commencer le traitement au cannabis, 79 % des patients souffrant de neuropathie se plaignaient de douleurs sévères, voire « insupportables », selon leurs termes.
Après seulement trois mois de traitement, ce chiffre n’était plus que de 29 %. De plus, la moitié des patients a déclaré que la douleur était devenue modérée.
Le professeur Nicolas Authier, président du comité scientifique temporaire pour le suivi de l’expérimentation du cannabis à usage médical de l’ANSM, s’est réjoui : « Pour environ 40 % des patients, le traitement a permis un soulagement et une amélioration significative de la qualité de vie. »
Cannabis médical en France : une autorisation délivrée le 31 décembre 2024 ?
L’ANSM a annoncé que les médicaments à base de cannabis seront disponibles en 2025, sous réserve d’obtenir une autorisation d'ici le 31 décembre 2024.
L’agence a également prolongé l’expérimentation, qui devait se terminer fin mars 2024. Elle précise : « Les patients admis avant le 27 mars 2024 pourront continuer leur traitement par cannabis médical avec le suivi de leur médecin. Toutefois, aucun nouveau patient ne sera accepté après cette date butoir ».
Par ailleurs, l’ANSM a annoncé que les médicaments sous forme de fleurs de cannabis (à inhaler) seront retirés de l’expérimentation dans les semaines à venir. Les médecins sont donc invités à arrêter progressivement de les prescrire. Les autres formes de médicaments à base de cannabis, comme les huiles et les comprimés, restent disponibles et devraient représenter l’essentiel des médicaments autorisés, le cas échéant.
Médicaments à base de cannabis : des défis persistent
L’accessibilité des médicaments à base de cannabis est menacée par deux obstacles majeurs : certains estiment que les résultats des tests sont encore trop fragiles, tandis que de nombreux professionnels ne souhaitent pas se former à l’utilisation médicale du cannabis, car ils l'associent à un stupéfiant de rue.
« Même si nous avons formé plus de 2 000 professionnels de santé, le cannabis fait encore peur. Or, sa prise n’est pas plus contraignante que celle des somnifères ou des anxiolytiques », souligne Nicolas Authier.
Depuis la légalisation du cannabis médical au Canada, il y a six ans, 40 pays ont modifié leurs lois pour permettre l’usage médical du cannabis, dont 21 en Europe. « Pourquoi pas la France ? », s’interroge le professeur Authier.
D’autre part, pour la mise sur le marché, il faudra fixer le prix de ces traitements. « Le prix doit être abordable pour les patients et les assurances, mais suffisamment élevé pour rémunérer producteurs et distributeurs », explique Pierre-Yves Geoffard, économiste de la santé. La Haute Autorité de Santé se prononcera sur ce point dans les prochains mois, sans doute dès la rentrée, et ouvrira peut-être la voie à un remboursement total par la Sécurité sociale, comme c’est le cas aujourd’hui dans le cadre de l’expérimentation.